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[AAC] Ports et territoires méditerranéens : circulation des biens culturels, constitution des collections extra-européennes (XVIIe-XXIe siècles)

Illustration : montage de plusieurs images

Appel à communication

Colloque international
22-23-24 octobre 2025
Marseille – Centre de la vieille Charité, salle du miroir

Dans le cadre du groupe de travail Collections et collectionneurs d’objets extra-occidentaux en Méditerranée
Projet lauréat 2025 du programme de l’INHA Carte blanche : histoire de l’art en région

Ports et territoires méditerranéens : circulation des biens culturels, constitution des collections extra-européennes (XVIIe-XXIe siècles)

Ce colloque propose d’analyser la constitution des collections publiques et privées des biens culturels extra-européens autour du bassin méditerranéen. Depuis l’Antiquité, et jusqu’au monde contemporain, la Méditerranée demeure un carrefour stratégique de la circulation des biens, des personnes et des idées, un « espace-mouvement » comme l’a défini Fernand Braudel. Les villes ports (Marseille, Toulon, Gênes, Barcelone…) constituent les plaques tournantes pour l’arrivée des objets et leur diffusion auprès des marchands, avant leur « mise en collection », voir leur patrimonialisation dans les institutions.

Les communications s’articuleront autour de trois axes :

  1. Ports et territoires méditerranéens : au croisement des mouvements commerciaux, économiques et culturels
  2. Typologie des biens culturels : matérialité et immatérialité
  3. Constitution des collections publiques et privées

La Méditerranée comme plaque tournante historique

La position géographique privilégiée de la Méditerranée en a fait un lieu d’échanges culturels ininterrompus qui perdure jusqu’à l’époque contemporaine. Cette mer intérieure Mare Nostrum a permis la rencontre entre l’Europe, l’Afrique et l’Asie, facilitant ainsi l’introduction d’artefacts provenant de cultures lointaines vers les collections européennes. Les ports ont servi de points d’entrée privilégiés pour les objets des territoires lointains, hébergé des infrastructures commerciales et des réseaux de marchands spécialisés. Cette circulation a permis de développer des expertises spécifiques dans l’identification et l’évaluation des biens culturels, et la diffusion de ces objets vers l’arrière-pays et le reste de l’Europe. L’évolution des modes d’occupation des littoraux dès le XVIIIe siècle permet d’élargir le sujet au contexte de la villégiature, et plus tardivement du tourisme.

Ainsi, il convient d’analyser le réseau marchand des biens culturels qui révèle une organisation comprenant :

  • Des commerçants spécialisés établis dans les villes portuaires
  • Des intermédiaires reliant les sources d’approvisionnement aux marchés européens
  • Des collectionneurs privés et des institutions publiques comme clients
  • Des circuits de valorisation et d’authentification des objets

La dimension culturelle et politique des collections

La constitution de ces collections ne répond pas uniquement à des logiques marchandes, mais s’inscrit également dans des dynamiques culturelles et politiques :

  • Affirmation de prestige et de pouvoir par la possession d’objets rares et exotiques
  • Construction de savoirs sur les cultures lointaines
  • Établissement de relations diplomatiques et commerciales avec les territoires d’origine
  • Expression d’une curiosité intellectuelle pour l’altérité culturelle

La compréhension de ces mécanismes de circulation et d’acquisition permet d’éclairer non seulement l’histoire des collections elles-mêmes, mais aussi les relations complexes entre l’Europe et le reste du monde à travers les siècles, relations dont la Méditerranée a été le théâtre privilégié.

Typologie des biens culturels : matérialité et immatérialité

Les biens culturels extra-européens peuvent être catégorisés selon plusieurs critères distincts : leurs fonctions originelles pour les objets rituels et religieux (masques africains, statues bouddhiques), les objets utilitaires (poteries amérindiennes, textiles asiatiques), ou encore les objets de prestige (parures océaniennes, mobilier impérial chinois). Les lacunes archivistiques constituent un défi majeur dans leur étude – nombreux sont les objets sans provenance précise ni documentation, particulièrement pour les acquisitions en contexte colonial. Ainsi, pourront être abordés les objets collectés lors d’expéditions scientifiques, les acquisitions commerciales, prises de guerre ou appropriations coloniales – cette dernière catégorie soulevant aujourd’hui d’importantes questions de restitution.

De plus, l’évolution du goût occidental a profondément influencé leur valorisation avec des procédés d’« artification (Nathalie Heinich) : considérés comme de simples « curiosités », puis comme objets « primitifs » au début du XXe siècle, ils ont acquis le statut d’œuvres d’art. La matérialité spécifique de certains biens, comme les manuscrits enluminés persans ou les codex mésoaméricains ainsi que les armes, nécessite des approches particulières. Enfin, la dimension immatérielle doit également être prise en compte : pigments traditionnels, échantillons botaniques utilisés dans les rituels, ou techniques artisanales et savoir-faire, constituant un patrimoine culturel dont l’étude exige des approches novatrices allant au-delà de la simple conservation matérielle.

La constitution des collections d’objets extra-européens

Les collections publiques et privées d’objets extra-européens se sont considérablement développées au début du XXe siècle, période charnière qui a vu l’émergence d’un véritable marché de l’art dédié à ces objets longtemps marginalisés dans l’historiographie occidentale.

Le début du XXe siècle marque un tournant décisif dans la perception des objets extra-européens. L’influence des avant-gardes artistiques, notamment le cubisme et le fauvisme, a transformé le regard occidental sur ces objets, passant du statut d’artefacts ethnographiques à celui d’œuvres. Des marchands visionnaires, comme Paul Guillaume et Charles Ratton à Paris, ont joué un rôle fondamental dans la création de ce nouveau marché, organisant les premières ventes spécialisées et expositions commerciales d’art africain, amérindien et océanien.

Les collectionneurs de cette période présentent des profils variés. On trouve d’abord des artistes comme Pablo Picasso, André Derain ou Henri Matisse, cherchant dans ces objets une source d’inspiration esthétique. Viennent ensuite les intellectuels et écrivains comme Guillaume Apollinaire ou André Breton, attirés par leur dimension spirituelle et leur puissance expressive. Enfin, de riches industriels et financiers occidentaux, tel Jacques Doucet ou Albert Barnes, commencent à intégrer ces pièces dans leurs collections éclectiques.

Les motivations de ces collectionneurs oscillent entre fascination esthétique, investissement spéculatif, prestige social et parfois réelle empathie anthropologique. Cette diversité de profils a contribué à façonner des collections aux caractéristiques distinctes, certaines privilégiant la qualité esthétique, d’autres la représentativité culturelle ou l’authenticité.

Les processus de patrimonialisation

La transformation du statut de ces objets s’est opérée à travers plusieurs étapes de patrimonialisation. D’abord collectés comme curiosités exotiques ou preuves matérielles de « cultures primitives », ces objets ont progressivement acquis une légitimité artistique et culturelle. Ce processus s’est cristallisé dans la création d’institutions muséales spécialisées, comme le musée de l’Homme à Paris (1937) ou, plus récemment, le musée du Quai Branly-Jacques Chirac (2006).

Cette patrimonialisation institutionnelle s’est accompagnée d’un travail scientifique d’inventaire, de documentation et de conservation, transformant des collections souvent constituées de manière opportuniste en ensembles cohérents et représentatifs.

Évolution des stratégies de mise en exposition

Il conviendrait également d’analyser l’évolution des modalités d’exposition de ces objets. Les présentations initiales, inspirées des cabinets de curiosités ou organisées selon des taxonomies évolutionnistes, ont cédé la place à des approches plus contextualisées dans les musées ethnographiques, puis à des présentations esthétisantes privilégiant la contemplation formelle dans les musées d’art.

Orientations bibliographiques :

Yaëlle Biro, Fabriquer le regard. Marchands, réseaux et objets d’art africains à l’aube du XXe siècle, Dijon, Les Presses du réel, 2018.

Léa Saint-Raymond, À la conquête du marché de l’art. Le Pari(s) des enchères (1830-1839), Paris, Classique Garnier, 2021.

Élodie Vaudry, Les arts précolombiens. Transferts et métamorphoses de l’Amérique latine à la France, 1875-1945, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2019.

Albera D., Crivello M. et Tozy M. (dirs), Dictionnaire de la Méditerranée, Arles, Actes Sud, 2016.

Catlos B. A. et Kinoshita Sh. (dirs), Can We Talk Mediterranean ? Conversations on an Emerging Field in Medieval and Early Modern Studies, Londres, Palgrave Macmillan, 2017.

Horden P. et Purcell N., The Corrupting Sea: A Study of Mediterranean History, Oxford, Blackwell, 2000.

Philippe Dagen, Maureen Murphy (dir.), Charles Ratton. L’invention des arts « primitifs », cat. d’exp, (Paris, musée du quai Branly-Jacques Chirac, 2013), Paris, Skira, 2013.

Nathalie Heinich, « Les arts premiers » dans De l’artification. Enquêtes sur le passage de l’art, dir. Nathalie Heinich, Roberta Shapiro, Paris, Éditions de l’École des Hautes Études en Sciences Sociales, 2012.

Pierre Singaravelou, Sylvain Venayre (dir.), Le magasin du monde : la mondialisation par les objets du XVIIIe siècle à nos jours, Paris, 2020

Réponses :

Les propositions de communication doivent être envoyées à l’adresse exocmed@gmail.com avant le 30 mai 2025.
Elles présenteront le sujet de l’intervention en 500 mots maximum et seront accompagnées d’une brève notice bio-bibliographique (300 mots maximum).
L’appel est ouvert aux étudiantes et étudiants ayant soutenu un master 2 ou une thèse de doctorat, ainsi qu’aux chercheuses et chercheurs confirmés.
Les communications dureront 20 minutes. Les réponses seront communiquées au début du mois de juin.

Comité Scientifique 

  • Nathalie Bertrand, TELEMMe AMU
  • Claire Bosc-Tiessé, EHESS, IMAF
  • Lucie Chopard, chercheuse associée au laboratoire SAprat (EPHE-PSL)
  • Théano Jaillet, Musées de Cannes
  • Sarah Lestruhaut, musée Calvet, Avignon
  • Benoit Martin, MAAOA, Marseille
  • Philippe Peltier, conservateur honoraire, musée du quai-Branly-Jacques Chirac

Comité d’organisation 

  • Agnès Rabion, TELEMMe
  • Caroline Chagniot, TELEMMe
  • Delphine Cavallo, TELEMMe
  • Sophie Deshayes, Musées de Marseille
  • Musée Calvet, Avignon

Contact : exocmed@gmail.com