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[AAC] Nocturnes : espaces et pratiques de la nuit

Photographie prise par Léa Battais en février 2020 à Valparaiso (Chili)

Nocturnes : espaces et pratiques de la nuit

Appel à communication pour la journée d’études des Jeunes chercheur·euse·s de l’UMR TELEMMe

29 mai 2024, Maison méditerranéenne des sciences de l’homme (MMSH), Aix-en-Provence

Phénomène caractérisé par l’absence de lumière solaire, la nuit est spontanément pensée par opposition au jour, bien que cette définition ne puisse s’appliquer à tous les contextes (sociétés des pôles, travailleur·euse·s en huis-clos…). Dans les sciences humaines et sociales, la nuit est davantage appréhendée comme un espace-temps culturel, social, économique et politique, comme “un autre temps qui possède des particularités essentielles non transposables”1. Associée à des imaginaires et des vécus plus ou moins heureux, la nuit génère des mobilités, des pratiques et des modes de pensée non ordinaires, pour celles et ceux qui la vivent, la modèlent et tentent de l’organiser. Historiquement et culturellement construites, les bornes de la nuit (physiologiques, politiques, astronomiques…) se superposent et se renouvellent sans cesse.

Les premières approches de la nuit remontent à la décennie 1980, sous l’angle des mentalités, des imaginaires et des représentations2. La nuit commence ainsi à être pensée comme un objet pluridisciplinaire sans toujours constituer le sujet principal de l’étude : il existe notamment des réflexions sur la criminalité, le travail, les festivités ou l’obscurité (réelle ou métaphorique) dans les arts, la littérature et les sciences historiques3. Dans le sillage des travaux pionniers de géographie, de nouvelles approches ont été mobilisées pour appréhender cet espace vécu dans ses dimensions économiques, culturelles et politiques4. La nuit est également devenue un moyen d’éclairer différemment certains phénomènes comme la régulation des pratiques par les politiques publiques ou l’étude des conflits5. Depuis 2010, plusieurs publications tentent de proposer un cadre théorique et méthodologique à ces Night Studies. La nuit peut enfin être un concept au service de questionnements sur les structures mentales et les paradigmes scientifiques occidentaux, qui pensent négativement la « noirceur » ou la vie nocturne. Notre objet d’étude peut devenir un outil réflexif permettant de dépasser certaines de ces certitudes6.

Toutes les communications devront proposer une dimension réflexive sur l’objet de recherche qu’est la nuit. Qu’implique son étude pour la posture du·de la chercheur·euse et son environnement de travail ? Quelles sont les sources et les approches privilégiées ?

1) La nuit, entre rêve et cauchemar

Moment intime ou partagé, de calme ou d’agitation, la nuit fascine, soulage et effraie. Elle suscite bon nombre de discours et de représentations. Quelles sont les émotions associées à la nuit ? Comment coexistent des imaginaires parfois contradictoires ? De quelle façon est-elle perçue, dépeinte et vécue ?

2) La nuit sous contrôle

D’un point de vue politique, la nuit génère des enjeux singuliers, qui se traduisent par des dispositifs de surveillance plus étroits. Ainsi en est-il de la fermeture des portes des villes, du couvre-feu et de l’extension de l’éclairage public. Comment les autorités aménagent-elles et encadrent-elles la nuit ? En retour, comment les populations répondent-elles à ces mesures et s’approprient-elles cet espace-temps ? À l’inverse, quelles pratiques tendent à se retirer pendant la nuit, ouvrant ainsi la voie à des situations marginales ?

3) La nuit comme ressource

En même temps que la nuit s’illumine, elle génère une économie propre, encouragée par les politiques libérales. Comment ces changements ont-ils généralisé des pratiques de divertissement et créé une économie nocturne ? Cela suscite aussi des conflits d’usage entre les différents « peuples de la nuit »7. Quelles sont les formes et les implications de ces tensions ? Alors que certains conquièrent la nuit, d’aucuns soulignent les effets néfastes d’une telle posture sur les écosystèmes (pollution sonore, lumineuse…). Quelles politiques de préservation et de mise en valeur (touristique notamment) ont émergé ?

Ces thématiques devront être abordées à l’aide d’études de cas et de travaux empiriques issus de diverses disciplines (géographie, histoire, histoire de l’art, archéologie, sociologie, anthropologie, philosophie, langues et littérature, musicologie, psychologie, sciences juridiques, science politique, économie, sciences de l’information et de la communication, écologie…).

Modalités de réponse à l’appel

Les propositions des doctorant·e·s ou des jeunes docteur·e·s devront être envoyées avant le 18 mars 2024 à l’adresse : jjctelemme@gmail.com. Elles comporteront un titre, un résumé de la communication projetée (500 mots maximum) ainsi qu’une brève présentation de l’auteur·ice (nom, situation, unité de rattachement).

La journée d’études se tiendra le 29 mai 2024 à la Maison Méditerranéenne des Sciences de l’Homme, 5 rue du Château de l’Horloge, 13094 Aix-en-Provence. Les frais de transport et d’hébergement restent à la charge des participant·e·s ou de leur institution de rattachement.


1 CABANTOUS Alain, Histoire de la nuit (XVIIe-XVIIIe siècles), Paris, Fayard, 2009, p. 14.

2 GINZBURG Carlo, Storia notturna. Una decifrazione del sabba, Milano, Adelphi, 1989 ; VERDON Jean, La nuit au Moyen Âge, Paris, Perrin, 1994.

3 Voir notamment : BERTRAND Dominique (dir.), Penser la nuit, XVe-XVIIe siècle, Paris, Classiques Garnier, 2003 ; GALLAIS Jean-Marie (dir.), Peindre la nuit (cat. d’exposition), Metz, Centre Pompidou-Metz Éditions, 2018 ; FRUGONI Chiara, Au lit au Moyen Âge : comment et avec qui, Paris, Belles Lettres, 2024.

4 BUREAU, Luc, Géographie de la nuit, Paris, Éditions de l’Hexagone, 1997 ; GWIAZDZINSKI Luc, La nuit dimension oubliée de la ville  : Entre animation et insécurité. L’exemple de Strasbourg, Thèse de doctorat, Strasbourg, Université Louis Pasteur, 2008.

5 CHALLÉAT Samuel, « Sauver la nuit » : Empreinte lumineuse, urbanisme et gouvernance des territoires , Thèse de doctorat, Dijon, Université de Dijon, 2010 ; PIERONI Raphaël, Politiques urbaines de la nuit. Entre cultures festives et nuisances sonores à Genève, ALPHIL. , 2022.

6 Voir notamment : SINGH Kavita (dir.), “Obscurités”, Perspective, 2023/1 ; MONOD BECQUELIN Aurore et GALINIER Jacques (dir.), Las Cosas de la noche. Una mirada diferente, México, Centro de estudios mexicanos y centroamericanos, 2016, p. 5.

7 GWIAZDZINSKI Luc. La Nuit, dernière frontière de la ville (2e édition), Paris, Rhuthmos, 2016.