Traites négrières en France méditerranéenne XVIIe-XIXe siècle – Trafics infâmes et discours vertueux, Gilbert Buti , éditions Cerf , 2023, 242 pages
La France méridionale, surtout Marseille, n’a pas ignoré la traite négrière. Le trafic, attesté dès la fin du XVIIe siècle, y connaît une progression fulgurante à la fin du siècle des Lumières. L’auteur fait revivre une page d’histoire enfouie de l' » infâme trafic » et des discours vertueux. Un navire négrier quittait Marseille tous les trois ans avant 1783. Ils sont neuf à aller à la » traite des Noirs » entre 1783 et 1793.
C’est peu par rapport à d’autres places marchandes, mais la croissance est importante et soudaine. Choix économiques de nouvelles figures marchandes ou modifications de stratégies de vénérables maisons de négoce ? Le plus singulier, c’est que ce boom se situe au moment où des discours condamnant la traite commencent à circuler. Des » paroles vertueuses « , d’une extraordinaire modernité, qui émanent de magistrats, de négociants, de chroniqueurs et de poètes, mais qui, finalement, n’ont guère d’incidence.
Retrouver les traces de ce trafic méconnu exige de mobiliser un large éventail de sources, de débusquer des éléments glissés furtivement dans des documents de nature variée : inventaire après décès, transcription d’un contrat de mariage, journal de bord d’un capitaine négrier, enregistrement officiel des gens de couleur. La traite négrière n’a pas laissé ici de témoins de pierre comparables aux mascarons avec » têtes de nègres » qui ornent les façades des demeures de négociants à Bordeaux ou Nantes.
Seule une » mémoire de papier « , fragmentée, fragile et sujette à l’oubli, sinon à l’incrédulité, permet de mettre au jour une page d’histoire enfouie de l’infâme trafic et des discours vertueux.