Aller au contenu
Accueil > Pages d'événement > Séminaire > Sexualité « déviante », sexualité violente au Moyen Âge

Sexualité « déviante », sexualité violente au Moyen Âge

Gustave Courbet, Autoportrait, vers 1840, The Metropolitan Museum, Domaine public

Séminaire

Date(s) : du 10 novembre 2021 9 h 30 au 10 novembre 2021 12 h 00

Lieu : Salle Paul Albert Février, MMSH - Aix-en-Provence

Organisateur(s) / trice(s) à TELEMMe :

Groupe(s) organisateur(s) :


PRÉSENTATION

Cette séance, centrée sur l’actualité éditoriale, aborde la question de la sexualité « déviante » ou violente au Moyen Âge dans deux contextes bien différents qui mettent à l’index la figure du « sodomite » : celui de la dénonciation des pratiques « contre nature » dans l’Église au XIe siècle et celui de la répression du crime pédophile par la justice pénale à Bologne à la fin du Moyen Âge.


PROGRAMME

Introduction
Damien Boquet (AMU – TELEMMe)

Église et sexualité au XIe siècle. Le Livre de Gomorrhe de Pierre Damien
Jean-François Cottier (Université de Paris)

Viols d’enfants au Moyen Âge. Genre et pédocriminalité à Bologne (XIVe-XVe siècle)
Didier Lett (Université de Paris)


Résumés des interventions

Viols d’enfants au Moyen Âge. Genre et pédocriminalité à Bologne (XIVe-XVe siècle)
Didier Lett (Université de Paris)

À Bologne, dans les registres de la justice pénale, entre 1343 et 1474, quatre-vingt-onze hommes sont accusés d’avoir abusé sexuellement de plus de cent trente enfants, autant de garçons que de filles. C’est ce dossier exceptionnel d’archives judiciaires que Didier Lett a dépouillé et finement analysé, et qui constitue la première étude sur la pédocriminalité à l’encontre des enfants des deux sexes au Moyen Âge.

Les cas sont examinés dans une optique de genre, car il existe de profondes différences dans la mise en scène juridique des acteurs (inculpés et victimes), la mise en écriture notariale de l’agression sexuelle, le lexique juridique utilisé pour qualifier l’acte et l’agresseur et les peines délivrées, en fonction du sexe de la victime. A une sociologie des victimes s’ajoute celle des inculpés, en particulier les sodomites, catégorie de pédocriminels en voie d’affirmation. L’enquête historique s’intéresse ensuite à l’acte lui-même, son extrême violence et les lourdes conséquences qui en découlent sur la victime, ses proches, la communauté, la morale, voire l’ensemble de la chrétienté. Enfin, sont étudiées les peines infligées aux coupables, depuis l’incrimination jusqu’à l’énonciation et l’application de la sentence.

En proposant une réflexion d’ensemble sur crimes, genre et châtiments, ce livre explore un sujet jamais traité auparavant par les médiévistes : le crime pédophile.

Église et sexualité au XIe siècle. Le Livre de Gomorrhe de Pierre Damien
Jean-François Cottier (Université de Paris)

Les années 1050-1120 ont vu l’Église forger de puissants instruments de rhétorique pour soutenir sa réforme et dénoncer tout ce qui pouvait, de près ou de loin, être assimilable à une forme de désobéissance à Rome et à ses décrets. Les techniques d’affrontement mises en œuvre connurent alors des raffinements inconnus jusque-là, et l’on vit pendant cette période les traités polémiques sur la simonie, le mariage des prêtres, le respect des propriétés ecclésiastiques, et la correction des mœurs en général, se multiplier.

De ce mouvement et de cette activité, le Liber Gomorrhianus de Pierre Damien (1007-1072), lettre-traité adressée au pape Léon IX vers 1051, est un exemple remarquable à plus d’un titre, en particulier par le choix du thème retenu, la dénonciation des clercs sodomites, qui est aussi original que rare puisque c’est en fait le seul traité du genre dans la littérature médiévale. L’exposé présentera d’abord les problèmes d’édition du texte et de traduction posés par cet ouvrage, puis il proposera une analyse de son contenu en insistant en particulier sur ce qu’il dit du rapport de l’Église du XIe siècle à la sexualité et à la « pureté » de son clergé.