La vie moderne a bouleversé nos sens. Le progrès technique, la vie urbaine, le consumérisme ont sollicité la vue comme jamais auparavant. Aujourd’hui, la multiplication infinie des images dans notre vie quotidienne, faisant de chaque individu un producteur et un consommateur d’images, semble ouvrir un nouveau chapitre dans la longue histoire des liens entre modernité et culture visuelle. Quel sens donner à ce changement?
Comment écrit-on l’anthropologie? Il y a longtemps que les anthropologues ont renoncé au mirage de l’extériorité que leur procure leur position d’observateur. Ils assument aujourd’hui que leur présence participe pleinement pleinement à la formalisation des situations qu’ils observent. Quelle place dès lors pour l’enquêteur dans le récit de l’enquête? Que devient le carnet de terrain quand il devient carnet intime? Quelles sont les possibilités et les risques d’une discipline qui renouvelle ses liens avec la littérature et travaille ses modèles et ses narrations aux frontières de la fiction?
Les morts sont encombrants. Ils prennent de la place, ils nous parlent, ils réclament des soins, ils veulent continuer à vivre à travers nous, ils veulent qu’on termine ce qu’ils n’ont pas fini, ils nous parlent de justice quand on voudrait les ranger au rayon des souvenirs. C’est parce que les morts sont remuants que les curés, les hygiénistes, et les thérapeutes s’évertuent depuis longtemps à les réduire au silence. Les historiens ne sont probablement pas en reste lorsqu’ils s’appliquent à ranger et à hiérarchiser dans l’ordre du discours la mémoire vive de nos défunts. Que serait une vie où on resterait en dialogue avec les morts? Que serait une opération historiographique qui prendrait au sérieux les fantômes?