Journée d’études des Jeunes chercheur·euse·s de l’UMR TELEMMe
28 mai 2025, Maison méditerranéenne des sciences de l’homme (MMSH), Aix-en-Provence
La cohabitation, fait d’habiter ensemble, induit des dynamiques complexes entre des individus, des groupes humains et non humains au sein d’espaces donnés. Ce concept se prête à un cadre d’analyse multiscalaire impliquant une pluralité d’acteur·rice·s, porteur·euse·s de représentations, motivations, stratégies et intérêts différents qui influent sur la cohabitation. Les sciences humaines et sociales permettent d’envisager la nature des interactions produites par ces cohabitations, qu’elles soient pacifiques, solidaires ou conflictuelles, ainsi que les facteurs sociaux, culturels, politiques, économiques ou environnementaux, qui permettent de les interroger.
La cohabitation découle de l’action d’habiter[1]. En ce sens, cette notion est indissociable des réflexions sur le concept qui émergent dès les années 1950 sous l’influence de philosophes comme Martin Heidegger ou Gaston Bachelard[2]. Par la suite, d’autres sciences humaines et sociales s’emparent du concept qui connaît un certain renouveau depuis vingt ans sous l’impulsion des anthropologues qui le développent en insistant sur les aspects “essentiels et identitaires” de l’habiter[3]. Les géographes, dans le sillon du spatial turn, enrichissent la réflexion autour de l’habiter à partir des années 2000[4]. Souvent envisagée à partir du conflit (ségrégations, injustices socio-spatiales, querelles)[5], la cohabitation intéresse également les historien·ne·s, ouvrant la perspective d’une réflexion sur le temps long[6]. Si la cohabitation est d’abord envisagée entre les humains[7], de plus en plus d’études tendent à interroger la cohabitation avec le vivant dans un contexte de remise en question de la domination de l’espèce humaine à l’échelle de la planète[8]. Les sciences humaines et sociales s’intéressent ainsi aux interactions avec la biosphère et se mobilisent pour penser une cohabitation plus harmonieuse[9].
Toutes les communications devront proposer une dimension réflexive sur l’objet de recherche qu’est la cohabitation.
1. Les échelles et les formes de cohabitation
En tant que phénomène qui se caractérise par le partage d’un espace commun, l’étude des cohabitations invite à examiner ses multiples formes et les acteur·ice·s qu’elles mobilisent. Ces différentes configurations peuvent s’observer à de multiples échelles spatiales, temporelles (cohabitation saisonnière, temporaire ou durable) et au sein d’environnements divers (industrialo-portuaire, montagnard, rural, urbain, virtuel, etc.). S’agit-il de cohabitations réunissant des individus issus de contextes variés – qu’elles soient intergénérationnelles, sociales, politiques, culturelles, ou liées aux questions de genre –, d’une cohabitation entre humain·e·s et non humain·e·s, inertes ou mort·e·s ou encore de configurations impliquant des acteur·ice·s et des types d’occupation spatiale distincts ?
2. Cohabitation choisie, cohabitation subie
Il convient d’examiner les mécanismes par lesquels les parties concernées en viennent à partager un espace commun. La cohabitation est-elle le résultat d’un choix délibéré, comme dans le cas des communautés autonomes ? Est-elle le fruit de l’histoire et de traditions ? Est-elle encouragée par les politiques publiques ou négociée entre acteur·ice·s ? S’impose-t-elle par des contextes de crises (guerres, épidémies, aléas environnementaux, etc.) ? Par ailleurs, comment cette cohabitation est-elle pensée et régulée (règlements de copropriété, cadres législatifs nationaux, modèles autogérés, etc.) ? Quelles réponses et quels vécus génère-t-elle pour les acteur·ice·s impliqué·e·s ?
3. Les conséquences de la cohabitation et la question des modèles enviables
Déterminer le processus de mise en œuvre de la cohabitation implique également d’interroger les effets qu’elle produit et les affects qu’elle met en jeu. Est-elle génératrice de conflits, d’injustices spatiales, de risques et de dynamiques de pouvoirs ? Favorise-t-elle l’émergence de solidarités nouvelles, de formes inédites de liens à l’« autre », à l’espace et à l’environnement, et d’autres dynamiques d’appropriation, en somme, d’autres manières d’habiter et d’être au monde ? Quelles représentations en ont les acteur·ice·s ? Contribue-t-elle au renforcement des préjugés ou, au contraire, encourage-t-elle une réflexion constructive sur le vivre-ensemble ? Il s’agit ainsi de mettre en lumière les formes de cohabitations réussies tout en examinant celles qui échouent, générant des stratégies d’évitement, des revendications d’entre-soi et des pratiques d’exclusion.
Ces thématiques devront être abordées à l’aide d’études de cas et de travaux empiriques de toutes disciplines de sciences humaines et sociales.
Modalités de réponse
Les propositions des doctorant·e·s ou des jeunes docteur·e·s devront être envoyées avant le 16 mars 2025 à l’adresse : jjctelemme@gmail.com. Elles comporteront un titre, un résumé de la communication projetée (500 mots maximum) ainsi qu’une brève présentation de l’auteur·ice (nom, situation, unité de rattachement).
La journée d’études se tiendra en présentiel le 28 mai 2025 à la Maison Méditerranéenne des Sciences de l’Homme, 5 rue du Château de l’Horloge, 13090 Aix-en-Provence. Les frais de transport et d’hébergement restent à la charge de l’institution de rattachement.
[1] Lussault, Michel, « Entrée en matière : La spatialité d’abord » dans Calbérac, Yann, Lazzarotti, Olivier, Lévy, Jacques et Lussault, Michel (dir.), Carte d’identités. L’espace au singulier, Paris, Hermann, 2019, p. 7-24.
[2] Heidegger, Martin, Bâtir, habiter, penser,. Essais et conférences, Paris, Gallimard, 1958 et Bachelard, Gaston, La poétique de l’espace, Paris, PUF, 2020 (1ère éd. 1957).
[3] Ségaud, Marion, Anthropologie de l’espace, Paris, Armand Colin, 2010. Chapitre 3, « Habiter », p. 70-103.
[4] Lévy, Jacques et Lussault, Michel, Dictionnaire de la géographie et de l’espace des sociétés, Paris, Belin, 2003 ; Stock, Mathis, “Pratiques des lieux, modes d’habiter, régimes d’habiter : Pour une analyse trialogique des dimensions spatiales des sociétés humaines”, Travaux de l’Institut Géographique de Reims, vol. 29-30, n°115-118, 2003, p. 213-229.
[5] Lehman-Frisch, Sonia, “La ségrégation : une injustice spatiale ? Questions de recherche”, Annales de géographie, 2009/1, n° 665-666, p. 94-115.
[6] Roche, Daniel, Le Peuple de Paris. Essai sur la culture populaire au XVIIIe siècle, Paris, Aubier, 1981; Zeller, Olivier “ Espace privé, espace public et cohabitation. Lyon à l’époque moderne” dans Bernard Haumont et Alain Morel (dir.), La société des voisins. Partager un habitat collectif, Paris, Editions de la Maison des sciences de l’homme, Ministère de la culture, 2005, p. 187-207 ; Canepari, Eleonora et Regnard, Céline (dir.), Les logements de la mobilité (XVIIe-XXIe siècle), Paris, Karthala, 2018 ; Foa, Jérémie, Tous ceux qui tombent. Visages du massacre de la Saint-Barthélémy, Paris, La Découverte, 2021)
[7] Nowicki, Joanna, Anghel, Laure et Farandjis, Stelio (dir.), La cohabitation culturelle, Paris, CNRS Editions, 2010.
[8] Chezel, Edith, Mounet, Coralie et Witt, Pierre, Habiter avec les loups, Lyon, Libel, 2024 ; Lussault, Michel, Cohabitons ! Pour une nouvelle urbanité terrestre, Paris, Seuil, 2024)
[9] Gramaglia, Christelle, Habiter la pollution. Expériences et métrologies citoyennes de la contamination, Paris, Presses des Minces, 2023; Lussault, Michel, Cohabitons !…, op. cit. ; Luglia, Rémi, Vivre en castor : histoires de cohabitations et de réconciliation, Éditions Quae, Versailles, 2024.