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Des recherches entravées

TELEMMe proteste contre l’instauration par le CNRS de logiciels qui rendent presque impossible l’organisation de missions, font perdre aux laboratoires de l’argent public et du temps de travail. Nous nous associons au texte « Des recherches entravées » de l’IMAF.

Des recherches entravées

Membres d’un laboratoire dédié à la recherche sur les mondes africains, nous produisons du savoir grâce à des séjours fréquents et prolongés en Afrique ou auprès de ses diasporas. Or, nous constatons depuis plusieurs années une dégradation continue de nos conditions de travail, en particulier lors de nos missions à l’étranger. La recherche publique n’échappe pas aux transformations managériales imposées depuis plusieurs décennies à l’ensemble des services publics. La mise en place répétée de nouvelles procédures se fait au prix d’une pression accrue sur les personnels administratifs et de gestion. Si le chaos qui a suivi la mise en service de nouveaux outils de gestion (Etamine, Notilus et Goelett [1]) par le CNRS a été à juste raison fortement décrié, il ne s’agit que de la partie émergée d’un problème plus global qui dépasse la simple gestion des bugs informatiques.

Que l’on soit anthropologue, historien·ne, politiste, géographe ou sociolinguiste, nos recherches sur le terrain exigent une forme d’adaptation et d’insertion au sein du milieu que nous étudions ou dans lequel nous évoluons. Nous avons besoin d’être au plus près des personnes et des groupes qui nourrissent ces recherches et d’adapter, en fonction des opportunités, nos questionnements et nos méthodes. Par conséquent, programmer au jour près notre itinéraire, changer nos habitudes, loger à l’hôtel et manger au restaurant pour disposer de factures remboursables, ne pas pouvoir rétribuer nos collaboratrices et collaborateurs locaux sont autant d’entraves à nos travaux de terrain et modifient en profondeur les méthodes qui caractérisent nos disciplines. Nous sommes bien sûr conscient·es que nos tutelles doivent s’assurer de la sécurité de leurs agent·es et respecter les règles applicables à la fonction publique ; mais, outre des doutes sur l’efficacité réelle des procédures qui nous sont imposées à cette fin, cela revient à transformer radicalement nos métiers et à nous empêcher de mener à bien les recherches pour lesquelles nous avons été recruté·es. Nous trouvons nécessaire d’introduire davantage de souplesse (ou des procédures dérogatoires) en tenant compte des spécificités de nos terrains et de nos disciplines. Du reste, une telle souplesse existe encore à l’IRD, par exemple, alors que le CNRS n’a cessé de rigidifier ses procédures.

À un moment où notre communauté scientifique est soucieuse de davantage de symétrie dans nos rapports avec nos interlocuteur·trices africain·es, ces entraves bureaucratiques s’ajoutent à une série d’obstacles existants : difficultés d’accès au terrain pour des raisons sécuritaires ou politiques, restrictions d’accueil en France des chercheur·es et des étudiant·es africain·es. Cela impacte fortement la dynamique des études africaines en limitant aussi bien nos échanges scientifiques que nos recherches, et il est donc urgent de trouver des solutions qui nous permettent de travailler sereinement et efficacement. Allons-nous à terme mener nos recherches sur l’Afrique, entre Occidentaux ? Depuis nos bureaux en France ?

Le collectif des chercheuses et chercheurs de l’IMAF