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Le monde ouvrier français (1750-1850) : logiques d’éclatement, logiques unificatrices

Journée d'études

Date(s) : du 4 février 2009 9 h 00 au 4 février 2009 17 h 00

Lieu : Salle Duby, MMSH, Aix-en-Provence

Organisateur(s) / trice(s) à TELEMMe :

Groupe(s) organisateur(s) :


PRÉSENTATION

Les années 1980-1990 ont mis en cause le caractère explicatif des grandes catégories utilisées en histoire sociale : bourgeoisie, magnats ou classe ouvrière n’auraient fonctionné que comme des clefs rhétoriques puisque les cas individuels, analysés en fonction d’une catégorie préétablie, servaient à spécifier cette catégorie, qui se trouvait ainsi forcément renforcée des propriétés de ce qu’elle groupait et avait servi à définir (Revel, éd., 1996). Il ne s’agissait pas forcément de rejeter la catégorie en tant qu’instrument heuristique, mais de borner là son rôle, sans réifier les catégories sociales (soit en leur attribuant des fonctions interprétatives soit en les transformant en catégorie identitaire – décrivant non plus le point de vue du chercheur mais celui, supposé, de ceux qu’elle désigne). Les historiens se sont alors orientés vers une analyse de ce qui, dans les pratiques des acteurs, permettait de construire la catégorie, tant dans l’ordre de l’expérience que dans celui des discours (Cosandey, éd., 2005). Si le monde bourgeois des débuts de l’époque contemporaine a récemment trouvé les analystes des forces adjuvantes ou opposantes qui jouèrent pour ou contre la constitution d’un « ordre bourgeois » (Jessenne, éd., 2007), il n’en est pas de même pour le monde ouvrier, du moins dans l’historiographie française.

Dans le sillage de ces travaux et sans présupposer aucun ordre de détermination des pans coexistant de la réalité (l’économique, le politique, le culturel), cette future journée d’étude se propose de réfléchir à la diversité des logiques qui parcoururent le monde ouvrier français entre 1750 et 1850, favorisant ou freinant son unification de fait ou de perception.

L’ampleur de l’ouverture chronologique vise à éviter qu’une focalisation sur la phase d’industrialisation massive réduise le monde ouvrier à un ensemble de rapports économiques ou qu’une focale braquée sur un événement politique (fût-il majeur comme la Révolution ou les journées de 1830 ou 1848) ne le cherche que dans une conscience politique forgée au feu de la lutte. Plutôt que de postuler une synchronie mécanique du sociologique, du politique et du culturel, la durée permet de poser la question de leurs décalages éventuels.

Reconnaissant le caractère construit des catégories, il s’agirait, dans un premier temps, de mettre l’accent sur le multiple, l’hétérogène à partir desquels la catégorie invente son unité. Derrière la catégorie existent une richesse d’expériences, qu’elles relèvent des métiers – avec, par exemple, la persistance de pôles d’artisanat dont le récit d’une prolétarisation uniforme ne peut rendre compte (Joyce, 1991 ; Vernon, 1993) – ou des identités locales ou sexuelles.

Un second temps de la réflexion viserait à comprendre comment, en dépit de ce divers et sans toujours l’effacer, l’unité peut être vécue ou forgée. Si Jones (1983) n’a plus pu trouver la réalité de la classe que dans une construction linguistique en retard sur l’expérience et qui ne parlerait du présent qu’avec les catégories du passé, des analyses qui se concentreraient moins sur le discours politique (à destination des autres) mais se recentreraient sur la manière dont les ouvriers mettent en mots la réalité la plus quotidienne du travail ou de la sociabilité, la manière dont ils pensent le domaine économique, auraient des chances de ne plus introduire la coupure et la hiérarchie que l’historiographie a longtemps vu entre le discursif et le vécu. Le discours sur soi ne fonctionne probablement pas de la manière et n’a pas les mêmes effets que le discours des autres (qu’il est également utile d’analyser).


PROGRAMME

Déborah Cohen, UMR Telemme
Présentation de la journée

Julien Saint-Roman, UMR Telemme
L’Arsenal de Toulon

Samuel Guicheteau, Université Rennes 2
Le monde ouvrier existe-t-il ? Tailleurs d’habits et portefaix à Nantes

Cyril Belmonte, UMR Telemme
À la marge. La main-d’oeuvre industrielle de l’arrière-pays marseillais à l’époque révolutionnaire

Josiane Boutet, Université Paris VII
Accéder à la parole ouvrière au XIXe s. : les réglements d’atelier

Ludovic Frobert, UMR Triangle
La réception des doctrines saint-simoniennes, républicaines et fouriéristes dans la presse ouvrière lyonnaise (1831-1834)

François Jarrige, Université du Maine
La construction d’un archétype : le briseur de machine