La discorde d’El Bahira (الباهيرة). Une éco-histoire des pêches lagunaires en Tunisie (milieu XIXe-années 1950)

Présentation de l'intervention

Vaste étendue d’eau salée de faible profondeur, peu enclin à la navigation et considéré déjà à l’époque ottomane comme le dépotoir de la capitale beylicale, le lac de Tunis (El Bahira الباهيرة) a connu sous le protectorat français d’importantes mutations qui en ont bouleversé jusqu’à aujourd’hui les équilibres sociaux et environnementaux. Les opérations de dragage pour la réalisation du chenal reliant Tunis à la Goulette, la mise en concession de ses eaux à des entrepreneurs privés et la réquisition de ses rives par l’administration des domaines, constitue les étapes d’un processus de dépossession où s’entremêlent des logiques juridiques, économiques et écologiques. L’étude des mobilisations collectives des patrons et matelots tunisiens, maltais et italiens déplorant années après années le démantèlement de leurs pêcheries et le dépeuplement en poisson dans les eaux du lac, permettra de questionner la friction entre deux modes de gestion des territoires de pêche et de leurs ressources, avec d’une part l’invocation de droits coutumiers, de savoirs techniques et de connaissances pratiques de l’écosystème lagunaire, et d’autre part l’emprise parfois brutale du droit moderne, de l’expertise scientifique et du capitalisme halieutique soutenus par l’État colonial. S’appuyant sur des fonds d’archives inédits, cette communication s’attachera par une approche éco-historique à reconstituer l’histoire de cette lagune et de son exploitation halieutique en la connectant à une histoire plus large de la dépossession maritime dans l’empire colonial français.

Plus d'informations : https://doi.org/10.58079/12jxr