Intervention de :
Colloque : Habiter une histoire hybride : Maisons des origines en Méditerranée à la période contemporaine
Date : 13 octobre 2021
Lieu : INHA, Paris, France
Organisation : HICSA et UNIVERSITE DE PARIS PANTHEON-SORBONNE 1
Présentation de l'intervention
« L’art provençal est à l’honneur aux expositions marseillaises de 1906 et 1922 : il fait l’objet de pavillons spécifiques qui se distinguent par une architecture et un décor exécuté selon une conception régionaliste et méditerranéenne fortement affirmées. La mise en place de ces constructions éphémères est l’occasion de reconstituer des intérieurs provençaux traditionnels, incarnant les idéaux encouragés par le mouvement du Félibrige conduit par Frédéric Mistral et ses acolytes.
En 1906, le mas Santo-Estello, à l’entrée même du parc d’exposition, promeut cette identité provençale à travers une architecture intérieure en heptagramme (symbole félibréen) dont chaque branche présente un diorama d’habitat archétypal : la cabane du pêcheur marseillais, le mas du paysan des Baux ou encore la bastide bourgeoise d’Aix-en-Provence.
Ces décors aménagés d’objets ethnographiques tels que des outils traditionnels de pêche, du mobilier modeste, de la vaisselle en faïence de Moustiers, des linges de table à motifs, exposent pour la première fois aux regards de presque deux millions de visiteurs les modes de vie domestiques provençaux. Ces dioramas permettent d’identifier distinctement sept sites emblématiques de la Provence, facilement reconnaissables par des peintures décoratives réalisées par des artistes localement appréciés. Cette promotion visuelle des traditions provençales fait écho à la même période (1904-1909) à la collecte régionale d’objets lancée par Mistral en vue de l’ouverture du Musée Arlaten, qui s’organisera autour d’une scénographie similaire.
La diffusion et la préservation de ce patrimoine local vont être consolidées cinq ans plus tard (1911) par la création du Comité du Vieux-Marseille, qui organisera sa propre exposition dans le palais de Marseille et de la Provence, construit pour l’Exposition coloniale de 1922. En reprenant le modèle scénographique des dioramas de 1906, le Comité met notamment en scène une cuisine typiquement provençale, où des mannequins en costume traditionnel trouvent place près d’une cheminée monumentale servant de support à une multitude d’objets ethnographiques.
Un riche corpus iconographique ainsi que des sources manuscrites et imprimées permettent aujourd’hui de mesurer l’importance accordée à la représentation et à la diffusion de l’identité architecturale régionaliste dans les pavillons de 1906 et 1922, afin d’en étudier la réception aussi bien à l’échelle nationale qu’internationale. L’habitat provençal déroute par ses spécificités domestiques, mais s’intègre dans l’étude des habitats méditerranéens par les multiples inspirations esthétiques et pratiques dont il est le fruit. En analysant les modèles d’habitat provençal présentés aux expositions coloniales, il est possible d’identifier des archétypes qui cristallisent quelques-uns des principes défendus par les architectes du Mouvement moderne. »