Guilhem Boulay
Le marché immobilier à usage résidentiel de l’aire urbaine de Marseille-Aix
Thèse de Doctorat en Sciences géographiques et de l’aménagement
Sous la direction de Bernard Morel
Soutenue le 21/11/2011 à MMSH salle P.-A. Février
Membres du jury :
Michel LUSSAULT, ENS-LSH Lyon ; Pr Jérôme DUBOIS, Univ P. Cézanne ; Pr Pascal BULEON, Univ de Caen ; M. Claude NAPOLEONE, Directeur de recherche INRA, Avignon ; Pr Denise PUMAIN, Univ Paris 1 ; Pr Bernard MOREL, Univ de Provence
Mention : Très honorable avec félicitations
Mots clés : marché immobilier, géographie économique, géographie urbaine, prix, Marseille, Provence, habitat
Résumé :
Ce travail de thèse cherche à rendre compte des rapports entre la hausse des prix immobiliers et la configuration socio-spatiale du territoire de l’aire urbaine de Marseille-Aix. Comment la hausse des prix se interagit-t-elle avec les phénomènes de centralité et de division sociale de l’espace urbain ? Quels sont les déterminants qui guident ces impacts à une échelle fine et selon quelle logique participent-ils aux recompositions territoriales ?
Au-delà de l’importance fondamentale des phénomènes de rente et des théories de la justification économique des villes, le recours aux prix immobiliers s’explique par leur capacité à « révéler » des phénomènes. Ils ont cependant, jusqu’à récemment, été peu utilisés en géographie. En revanche, il existe une longue tradition économique d’étude des prix fonciers et immobiliers, notamment en milieu urbain. Après des développements importants chez les classiques, ce type de travaux s’est surtout développé dans le cadre de la théorie néo-classique. Ces raisonnements micro-économiques sont avant tout centrés autour des notions d’optimum et d’équilibre. S’ils sont utiles à des échelles larges (schéma centre-périphérie notamment), ils sont souvent trop généraux pour servir à une analyse géographique. Les développements récents de l’analyse hédonique (méthode des prix hédoniques) ont en partie corrigé cette lacune.
Il est donc nécessaire de recourir à une approche moins apriorique des marchés immobiliers, ce qui ne signifie pas qu’il faille délaisser toute dimension théorique au profit d’une approche « positiviste » mais qu’il serait utile de recourir à des concepts et à des méthodes plus aptes à prendre en compte la dimension historique et culturelle de ce type de marché. Pour cela, la géographie urbaine peut prendre appui sur de nombreux travaux sociologiques, notamment ceux issus de la tradition durkheimienne de sociologie économique. Ces auteurs ont progressivement mis au point des concepts et des méthodes d’appréhension du fonctionnement effectif des marchés distinctes des hypothèses à la base des raisonnements purs des économistes néo-classiques. Ils permettent de mieux cerner ces marchés « imparfaits » grâce à l’attention qu’ils portent aux interventions publiques et à la formation sociale des goûts et donc des prix.
Cette approche empruntant à la fois aux traditions de l’économie et de la sociologie nous semble la plus pertinente pour répondre aux questions que se pose actuellement les études sur les marchés immobiliers : quelle est la segmentation spatiale des marchés immobiliers ? Comment interagit-elle avec la segmentation qualitative, mieux connue mais remise parfois en cause par les interventions publiques et les évolutions du tissu urbain ?
Cette optique de travail est développée sur une région urbaine importante : l’aire urbaine de Marseille-Aix. Cette dernière est en effet le lieu de dynamiques très significatives permettant au marché immobilier de jouer à fond son rôle de « révélateur ». Comme toutes les grandes villes, elle appartient au peloton de tête des prix. Mais sa localisation et les caractéristiques internes de ce territoire ont conjointement fait que sa place a fortement changé ces dernières années (au cours de la dernière phase de hausse du cycle immobilier, d’une dizaine d’années, elle est passée de la 20ème à la 3 ou 4ème place). L’attractivité de toute la région PACA et notamment de ses littoraux, les très importants investissements dans la réhabilitation urbaine et le mouvement plus général de reconquête des centres de la dernière décennie ont fortement reconfiguré les structures socio-spatiales de cette région. Tout en conservant ses caractéristiques propres (polycentralité, étalement urbain et dissymétrie d’images entre la Provence « authentique » et les zones en difficulté), la région a connu de nombreuses mutations depuis la fin des années 1990.
Abstract :
My research aims at questioning the links between rising prices on the housing market and the socio-spatial configuration of the third metropolitan area in France, centred on the city of Marseilles. What are the driving forces of price formation and increase at a local scale? How do rising prices interact with phenomenons such as urban centrality and the social division of the metropolis?
In this project, housing prices are used as a source of proxy data: in terms of urban structure creation (Roncayolo) or household “preferences” (Alonso, Muth, Rosen), price formation analysis has the potential to “reveal” a lot of embedded or cognate phenomena. Most European geographers (unlike economists and especially urban economists) have not paid much attention to housing prices in the exploration of urban dynamics. Important advances in the first half of the 19th century by such authors as Say, Ricardo, von Thünen and Marx had no clear geographical follow-up and much of this intellectual legacy was taken up by economists operating within a neo-classic framework. Micro-economic research focuses on concepts such as optimum or equilibrium that are useful on a large scale (for example in centre-periphery models) but often too vague to be helpful to geographic analysis. This shortcoming has been partly addressed by the latest advances in hedonic pricing methods.
While not foregoing the quantitative and theoretical tools developed in the large body of economic literature on housing markets, I would like to use a more flexible approach that would take into account the historical and cultural dimensions of the market itself. This approach can draw on many sociology works, most notably those of the Durkheimian school of economic sociology. Authors such as Simiand, Halbwachs, Bourdieu and to a lesser extent Karpik have provided insights into the sociological workings of a market that differ sharply from neo-classic assumptions. They provide a better description of “imperfect markets” because they pay close attention to governmental action and the social construction of taste (and hence, of price). This combined approach, drawing on both the economic and the sociological traditions, seems to be relevant to answer ongoing research questions: how does a housing market become spatially segmented? What is the relationship between housing market segmentation and other forms of spatial segmentation in urban space that are more open to governmental interventions and more susceptible to planned actions?
This approach is being tested on the urban region of Marseilles, in Southern France. As many other large urban areas in France, Aix-Marseilles experienced a sharp increase in housing prices between 1997 and 2007. Albeit the urban region’s defining spatial structures have remained rather stable over the last decade (multiple centers, urban sprawl, asymmetry of brand image between the so-called authentic Provence and the problem areas), many unique factors have progressively combined and created new spatial dynamics: the attractiveness of the region (and notably of Provence’ seashore), huge investments in urban renewal and the redevelopment of inner cities’ cores.