Arnaud Pautet
La criminalité rurale en Provence orientale à partir de l’affaire des bandits de Pégomas (1906-1914)
Thèse de Doctorat en Histoire
Sous la direction de Jean-Marie Guillon
Soutenue le 01/10/2016 à MMSH5 rue du chateau de l'horloge13094 Aix en Provence cedex 2 DUBY
Membres du jury :
Composé de M. MONIER Frederic Professeur des Universités, M. KALIFA Dominique Professeur des Universités, Mme RENAUDET Isabelle Professeur des Universités, M. PELLEGRINETTI Jean-Paul Professeur des Universités, M. GUILLON Jean-Marie Professeur des Universités.
Mots clés : criminalité, histoire rurale, mentalités, représentations,
Résumé :
Entre 1906 et 1914, un petit village de l’arrière-pays de Grasse, Pégomas, fut submergé par une vague de violence. Des bandits de grand chemin semèrent la terreur, mettant le feu à des granges, lapidant des maisons, tirant sur les habitants, profanant des cimetières. Les événements survenaient la nuit, et la traque des malfaiteurs était malaisée : les possibilités de fuite dans les collines boisées, l’organisation du village en hameaux épars, compliquaient la tâche des enquêteurs. Ces bandits insaisissables furent bientôt appelés « fantômes » par la presse. Les moyens dépêchés sur place étaient considérables : en 1912, on dénombre un serviteur de l’ordre pour quinze villageois. Chacun y allait de son interprétation : les uns y lisaient la résurgence du conflit entre le parti clérical et des libres penseurs. Les autres imaginaient une révolte contre les potentats locaux. En réalité, les tensions révélées par cette affaire prennent leur source dès 1894, alors que Pégomas opte pour une spécialisation horticole. Après 1906, la médiatisation de ces faits-divers sur le plan local et sur le plan national inquiète les pouvoirs publics ; ils craignent pour l’image renvoyée aux riches hivernants étrangers, et rejettent la faute sur les migrants piémontais. Ces brigands défient le pouvoir comme l’avait fait le célèbre « Calabrais ». Ces fantômes écornent le mythe rassembleur du paysan laborieux et des campagnes pacifiées par la République. Cette affaire constitue ainsi un observatoire de choix pour penser les mutations du moment : laïcisation et décloisonnement des sociétés rurales, modernisation des institutions chargées de la régulation sociale et du maintien de l’ordre.
Keywords : highwaymen, cultural studies, ghosts og Pegomas,
Abstract :
Between 1906 and 1914, a wave of violence swept over Pégomas, a small village in Provence. Higywaymen sewed terror, setting barns on fire, stoning houses, shooting on the village dwellers, and desecrating churches. These occurrences took place at night, which made the hunting down of the bandits difficult. The investigators’ task was further complicated by the woody hills, where the bandits could retreat, and by the fact that the village consisted of a series of scattered hamlets. The newspapers soon nicknamed those elusive bandits “the ghosts.” The authorities spared no expense: by 1912, one law enforcement officer for fifteen village dwellers had been sent to the place. Interpretations were rife: some viewed the events as a sign that the struggle between the clerical party and the free-thinkers had resurfaced. Others saw in them a rebellion against the local authorities. The true origin, however, is to be found in the horticultural specialization system implemented in Pégomas. As of 1906, the authorities began fretting over the publicity generated by the intensive media coverage of the events. They worried over the image it gave to rich foreign winter holiday-makers and blamed the events on the Piedmontese migrants. The bandits were defying the authorities as the famed “Calabrian” already had. Beyond that, these so-called ghosts challenge the unifier myth of the Republic having brought peace to the countryside. The events thus constitute an ideal vantage point from which to analyse a time of change: the secularization and opening up of rural communities, the modernization of the institutions in charge of social regulation and of the maintenance of law and order.