Une géographie de la Palestine par ses cimetières, pratiques funéraires, espace vécu et construction nationale

Mots clés : Palestine, cimetière, tombe, religion, politique

Résumé :

L’objectif est de réaliser une géographie de la Palestine par les cimetières en les envisageant comme un trans-territoire funéraire politisé où les Palestiniens s’acharnent à demeurer. Les lieux d’inhumation maintiennent un rapport mémoriel à une Palestine mandataire historique en voie de disparition et réinventent un lien national entre les différents pays d’immigration et l’Etat d’origine. La destruction des tombes palestiniennes par l’Etat d’Israël et la difficulté des terres d’accueil à accepter les cimetières des réfugiés mettent en exergue le rôle identitaire des tombes qui sont d’un côté des archives et des certificats de résidence (Santa Cassia, 2005, Turnbull, 2002) permettant de résister à la dépossession face aux politiques coloniales (Yeoh, 1996, Bollig, 1997, Kong, 2012) et de l’autre la puissance territoriale d’un champ funéraire sacré qui ancre une nouvelle communauté en Jordanie, au Liban ou en Syrie. En retour, les Palestiniens ont compris le potentiel rhétorique et commémoratif de tels espaces permettant de faire correspondre les « frontières territoriales » qui leur manque aux « frontières corporelles » de leurs habitants dispersés (Weiss, 2002). Noam Leshem parle d’un nécroactivisme, qui exploite l’agentivité des morts pour les faire parler en faveur d’une cause (Bayart et Warnier, 2004). Les espaces de la mort prennent une place de plus en plus importante dans la géographie et l’anthropologie politique (Delaplace, 2008, Abdel-Hay, 2016) depuis qu’Achille Mbembe a complété la biopolitique foucaldienne par sa nécropolitique qui définit la souveraineté comme le droit de donner la mort et d’autoriser à vivre — on peut y ajouter la maîtrise de l’entrée au cimetière. Le but est de comprendre comment le territoire des morts permet de séparer les Palestiniens des non Palestiniens, les Palestiniens musulmans des Palestiniens chrétiens, les bons Palestiniens des mauvais Palestiniens — et en retour comment ce tri influence les vivants. La définition du Palestinien est un enjeu politique concernant le droit au retour de générations d’exilés et la tension démographique en Israël. Cette thèse propose de retravailler les limites de la définition des Palestiniens par les cimetières.

Keywords : Palestine, graveyard, cemetery, religion, politic

Abstract :

A transnational study of the graveyards where Palestinians are buried.