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Les « boues rouges » de l’industrie de l’alumine en Provence au XXe siècle : la difficile réhabilitation des sites de stockage

Intervention de :

Journée d'études : Green business : environnement et profits à l’âge industriel

Date : 30 mai 2024

Lieu : MUCEM, Marseille, France

Organisation : ANR ESTUER (22-CE05-0012) ; Centre François Viète (UR 1161), Nantes Université; TELEMMe (UMR 7303), Aix-Marseille Université, CNRS


Présentation de l'intervention

Pechiney et Alusuisse, entreprises historiques du secteur de l’aluminium en Europe, ont produit de l’alumine par le procédé chimique Bayer à Marseille et à Gardanne tout au long du XXe siècle, générant des millions de tonnes de boues rouges. Dès le démarrage de cette industrie la question du stockage et, dans une moindre mesure, celle du réemploi des résidus se posent. Les boues sont entreposées à même le sol à proximité des usines, puis dans des bassins dédiés qui, d’année en année, deviennent trop petits. La production d’alumine augmente au cours du siècle et en conséquence, la quantité de résidus aussi. Les crassiers qui les contiennent sont agrandis, remodelés, puis délaissés ou transformés lorsqu’ils arrivent à saturation. L’industriel trouve de nouveaux sites, plus grands et isolés des regards. Le « problème » des boues rouges est tel que Pechiney le déplace au large, en construisant une canalisation pour déverser les boues en mer. Les sources montrent que lorsque l’industriel y voit un intérêt, il est capable de vider un crassier, en transférer le contenu, pour lui donner une seconde vie (extension du bâti industriel, vente de terrains). Mais le transfert des crassiers ne fait que déplacer le problème. À partir des années 1960, les conflits environnementaux se multiplient sur les modes stockage des résidus, leur volume et la question de leur toxicité. L’héritage pèse de plus en plus lourd dans la seconde partie du XXe siècle, à mesure que l’activité aluminière cesse localement. Les tentatives de réemploi des boues elles-mêmes se soldent par des échecs, ou restent marginales au regard du volume considérable de résidus accumulés depuis 1900. Les crassiers qui ne sont plus exploités font l’objet de projets de réhabilitation, la plupart abandonnés face à la réalité de ces terres rouges, collines mortes et instables dans le paysage urbain. Les exploitants historiques, absorbés par des multinationales au tournant du XXIe siècle, cherchent à se désengager de la question ou à en partager les responsabilités, face à une transformation coûteuse de ces sites qui n’est plus dans leur intérêt. Les désaccords entre les autorités publiques et les héritiers de l’industrie se retrouvent devant la justice, jusqu’au Conseil d’État. Ils figent durablement les crassiers dans un entre-deux de la réhabilitation : sécurisés pour éviter les débordements les plus dangereux, recouverts de terre et végétalisés pour la plupart, mais absolument inutilisables pour un quelconque usage.


Plus d'informations : https://www.mucem.org/programme/green-business-environnement-et-profits-lage-industriel