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La peste et le monde du travail dans l’Empire ottoman (XVIe-XVIIe siècle)

Intervention de :

journée d'études : 9ème Journée des sciences sociales sur le thème « Pandémies »

Date : 19 novembre 2021

Lieu : Sciences Po, Paris, France

Organisation : Fondation pour les sciences sociales (FSS)


Présentation de l'intervention

L’Empire ottoman de l’époque moderne, à son apogée, est durement touché par des vagues épidémiques de la peste noire, grosso modo de la fin des années 1340 jusqu’aux années 1720. Sur chacun de ces deux siècles (XVIe-XVIIe), les grandes villes comme Istanbul, Smyrne, Sofia, Salonique, Belgrade, Damas, Le Caire et Alger connaissent entre 40 et 70 années pesti- férées qui déciment leurs populations. La peste bubonique tue les trois quarts des personnes infectées dans la première semaine, tandis que la totalité des malades de la peste pulmonaire meurent en moins de cinq jours.

Cette mortalité très élevée, ainsi que des procédures de mises en quarantaine, ralentissent et arrêtent la machine de production et de distribution dans tous les secteurs, à commencer par les plus vitaux pour la capitale impériale Istanbul, d’autres centres urbains de premier plan et l’armée impériale : agricole, alimentaire, artisanal, minier. C’est cela qui conduit l’État et ses bureaucrates à procéder à des déplacements forcés de populations et à des achats massifs d’esclaves.

La pénurie de la main-d’œuvre crée une hausse des salaires et des prix d’esclaves, tout en continuant au durcissement des conditions de travail. Parmi les témoignages marquants que l’on trouve dans les documents d’archives, il y a notamment les pétitions collectives des contri- buables demandant des réductions, annulations

ou reports d’impôts dus pour l’année en cours. Les données factuelles sur les épidémies de peste dans l’Empire ottoman n’ont jamais été soumises à une analyse systématique pour appréhender les bouleversements et trans- formations des relations de travail à l’œuvre. En ciblant les périodes de mortalité élevée, je croiserai les données concordantes sur l’intensification des importations d’esclaves et les politiques de déplacement de populations visant à combler les lacunes en matière de main-d’œuvre. S’agissant du monde du travail, les ouvriers saisonniers ou les paysans et citadins fuyant des zones durement atteintes par l’épidémie participaient aussi de la propagation de la peste tout en proposant des sources nouvelles de main-d’œuvre dans les villes d’accueil. Par ailleurs, les recherches lomologiques en microbiologie, archéo-zoologie, médecine et démographie historique démontrent clai- rement que les puces de rats ciblaient prio- ritairement les professions ayant affaire aux textiles, papier et céréales qui connaissaient une mortalité bien plus élevée par rapport à celles dont la matière première dégoûtait ces vecteurs principaux de la propagation, à savoir les peaux d’animaux morts et vivants (le cas des bergers, bouchers, équarisseurs, tanneurs). Ces informations d’origine pluridisciplinaire permettent d’interroger les sources historiques sous des angles plus précisément ciblés autour des rats et de ces matières premières pour étu- dier le monde du travail autrement.


Plus d'informations : https://fondation-sciences-sociales.org/wp-content/uploads/2021/10/Dossier-de-Presse_Pandémies-.pdf