Place aux enfants? Transformations des dispositifs de jeux urbains

Journée d'études

Date(s) : du 15 février 2023 10 h 00 au 17 février 2023 18 h 00

Lieu : Aix Marseille Université, îlot Bernard Dubois (séance en hybride) 5 bd Maurice Bourdet, 13001 Marseille

Organisateur(s) / trice(s) à TELEMMe :

Groupe(s) organisateur(s) :


PRÉSENTATION

Un intérêt croissant se fait sentir sur la place à donner ou le rôle des enfants dans la fabrique de nos territoires de plus en plus urbanisés. Dans la lignée de celui-ci, ces journées d’études interrogeront les espaces de jeux dédiés aux enfances ainsi que l’association quasi systématique faite entre expériences enfantines et jeux : l’enfant joue-t-il toujours ? Pourquoi faire jouer les enfants ? Où et quand se termine le jeu ? Quels sont les impacts du jeu sur les corps enfantins et dans leurs relations avec les adultes ?

Des chercheuses et chercheurs de disciplines différentes (sciences de l’éducation, histoire, socio-anthropologie, urbanisme et architecture) ainsi que des professionnel·les (animateur et animatrice du temps libre, salarié·e·s des Céméa et autres structures associatives) dialogueront sur ce que l’aménagement des espaces urbains fait aux jeunesses et ce que celles-ci leur font en retour. Comment ce rapport s’est-il transformé ? Quel récit urbain ce corps à corps entre ville et jeunesses nous livre depuis l’invention des aires de jeux ? Faut-il proposer des jeux et des espaces de jeux aux enfants ou au contraire leur donner davantage de liberté de mouvements?

Co-organisées par Nadja Monnet (LAA-LAVUE, UMR 7218, CNRS, délégation CNRS Telemme) et le groupe de recherche Façons d’être: corps, émotions, récit de soi (Telemme, UMR 7303, Aix-Marseille Université)

Avec le soutien financier de : TELEMMe, Aix-Marseille Université, LAVUE UMR 7218, LAA, INSPE, l’Alhambra cinémarseille

 


PROGRAMME

15 février, 10h :

Cinéma Alhambra à Saint Henri

2 rue du cinéma, 13016 Marseille

Projection-débat autour du film : Le Chantier des gosses de Jean Harlez avec les enfants du quartier des Marolles, (Bruxelles, 1956).

Dans les rues étriquées d’un quartier populaire bruxellois, le vrai refuge des enfants est un terrain vague. Un beau jour arrivent des hommes en chapeau mou qui examinent les lieux, déploient des papiers… Pour les enfants, c’est mauvais signe. La résistance s’organise alors.

Prix entrée cinéma

 

16 février, 9h30-18h :

Aix Marseille Université, îlot Bernard Dubois (séance en hybride)

5 bd Maurice Bourdet, 13001 Marseille

Inscription nécessaire pour les personnes qui ne font pas partie des communautés AMU sur : journees.enfances.jeux@gmail.com ou pour obtenir le lien de la visioconférence

9h30 : Accueil des participants

10h : Notes introductives

Isabelle Renaudet, professeure d’histoire contemporaine Aix Marseille Université (AMU), Telemme UMR 7303, coordinatrice du groupe Façons d’être: corps, émotions, récit de soi

Patrice Laisney, chercheur en sciences de l’éducation, MCF Inspé- AMU, directeur adjoint Inspé

Nadja Monnet, LAA-LAVUE, UMR 7218, MCF ENSA Marseille, délégation CNRS UMR 7303 Telemme (2022-2023).

10h45-12h30 : Qu’est-ce qui fait jeu ? Que fait le jeu?

  • Les rouages de la jouabilité. Du centre de loisirs vers d’autres contextes urbains

Baptiste Besse-Patin (Post-doctorant en sciences de l’éducation, Experice, Paris 13)

À partir d’une approche écologique du jeu (Bloch & Pellegrini, 1989), et de celui des enfants en particulier, cette communication se propose d’étudier comment un contexte et une situation sont (plus ou moins) « jouables ». Partant du principe que les pratiques de jeu sont toujours « situées » (Brougère, 2020), dépendantes de leur environnement et des « prises » (Joseph, 1997) qu’il offre, on se propose d’étudier cette « jouabilité » à partir du cas d’un centre de loisirs dans la filiation des travaux de Chombart de Lauwe (1976). De là, nous proposerons d’étendre cette étude à d’autres contextes tels le terrain d’aventure (Artières et al. 2020) ou la cour de récréation pour éclairer, à nouveaux frais, les espaces urbains.

 

  • Jouer et transformer les espaces

Sabine Gérin (militante Céméa – Région Sud)

Jouer c’est agir sur soi, sur l’autre, sur l’environnement immédiat et plus lointain. Qu’il soit codifié, spontané, éphémère, traditionnel, organisé, prévu, contraint, libre, le jeu transforme les joueurs et les espaces, propose, et parfois impose, des formes de mises en mouvement, des liens qui construisent la personne et la vie sociale.

 

  • La vie publique de l’enfant, vibrer à l’air libre

Marc Breviglieri (Sociologue, professeur HETS (Genève), UMR AAU-équipe CRESSON)

La communication rendra compte d’une observation de l’usage des espaces publics urbains par de jeunes enfants accompagnés de leurs parents. Comment comprendre la vague puissante d’impressions nouvelles qui les atteint dans cet environnement? Comment lire les attitudes et les formes de présence qu’ils manifestent alors? Où situer alors la limite qui cerne le champ du ludique?

 

14h- 15h45 : Perspectives historiques

  • The Model de Palle Nielsen. Le jeu des enfants, un modèle performatif pour changer la société

Deborah Gentès (Docteure en sciences de l’éducation, chargée de cours UFR:SEPF, Paris 8, Experice, présidente de l’association Jouer pour vivre)

A partir de mes différentes implications (parent, enseignante, militante, chercheuse) sur le terrain de l’enfance (Arleo & Delalande, 2011) j’exposerai différents points de vue de la relation au jeu, à l’art et aux enfants, à travers l’installation du Model réalisée par l’artiste danois Palle Nielsen. Créée en 1968 pour investir le hall monumental du musée d’art moderne de Stockholm, The Model. A model for a qualitative society, proposait un « cadre » dans lequel les enfants « exposaient » une culture enfantine centrée sur le jeu et la créativité qui devait servir de modèle aux adultes et changer la société (Gether et al., 2014). Cette expérience s’inscrivait alors dans une remise en question radicale de la relation éducative, et de la place des enfants dans les institutions, dont le musée représentait une forme paroxystique de l’économie capitaliste avec l’essor du marché de l’art. En transformant l’espace du musée en une aire de jeu pour les enfants, le Model crée un contre-espace institutionnel, qui peut se définir comme hétérotopie (Foucault, 2009). Quarante-cinq après, en octobre 2013, l’installation est pour la première fois remontée à Paris dans l’espace public, à l’occasion de la Nuit Blanche alors qu’aujourd’hui elle appartient à la collection permanente du musée de la ville d’Arken, située en périphérie de Copenhague. Au fil d’une enquête ethnographique comparée (Detienne, 2000), menée de la Suède à Paris jusqu’au Danemark, nous suivrons la trajectoire du Model pour exposer la construction d’un idéal de l’enfance, à partir des représentations sur le jeu et l’énergie créatrice des enfants, qui, s’il s’est « institué » au Danemark, reste néanmoins différencié selon les contextes historiques et culturels. En cela la place et le rôle donnés aux enfants dans un musée par les adultes, devient le révélateur d’une relation à l’enfance et aux enfants située en éducation, selon l’importance accordée à leur point de vue et à la façon dont il s’exprime.

 

  • Bataille de pierres à la fin du Moyen-Âge: jeu ou guerre?

Didier Lett (Historien médiéviste, professeur Université Paris Cité, Identités, Cultures, Territoires) (en visio) & Damien Boquet (Historien médiéviste, professeur Aix-Marseille Université, UMR 7303 Telemme)

Au Moyen-Âge, l’activité ludique devait avoir une visée éducative pour les enfants mais elle était également source d’accidents. Le pédagogue Gilles de Rome dans son Livre du gouvernement des Princes qui date de la fin du XIIIème siècle considère le jeu comme bénéfique à condition qu’il soit canalisé. « La vertu de l’amusement » y est condamnée si elle est excessive. Jean Froissard, vers 1370, énumère une cinquantaine de jeux pratiqués au cours de son enfance. C’est sur les batailles de pierres que nous nous pencherons. L’exemple d’un procès à San Severino (Marche), au milieu du XVème siècle, au sujet de l’une d’elle qui a mal tourné, nous permettra de présenter les transformations en cours dans le rapport parents/enfants ainsi que les changements dans les modalité d’acceptabilité de cette activité. Présentée comme ancestrale et habituelle, ce jeu est désormais interdit dans certains espaces et pour certaines tranches d’âge.

 

  • Une enfance privilégiée (France méridionale, XVIIIe-début du XIXe siècle)

Camille Caparos (Doctorante en histoire moderne, UMR 7303 Telemme)

Le XVIIIe siècle français est le siècle d’or de l’éducation. De nombreux livres sont écrits à ce sujet par une grande diversité de lettrés, pédagogues, philosophes ou encore gouvernantes. L’instruction féminine est au cœur de cette réflexion et les mères deviennent les éducatrices de leurs enfants. Les écrits personnels de certaines d’entre elles, issues de la noblesse de France méridionale, rendent compte de cette réalité et de la place qu’accordent les familles privilégiées à l’enfant et à son évolution. Nous partirons sur la trace des jeux et jouets évoqués dans leurs livres de comptes et leurs correspondances pour comprendre ce qu’ils nous disent du lien entre jeux et apprentissages.

 

16h-17h45 : Expériences des Suds

  • Comportements de jeu des enfants en fonction de la conception des espaces urbains au Caire

Maya El-Nesr (Doctorante en architecture, UMR AAU, équipe CRESSON et maîtresse assistante au département d’architecture et de conception environnementale de l’Académie arabe des sciences, des technologies et des transports maritimes, Faculté d’ingénierie, Le Caire, Égypte) (en visio)

Bien que la présence d’enfants dans les rues joue un rôle important pour leur développement ainsi que dans la constitution d’un noyau communautaire, leurs possibilités de jeu ont notablement diminué en raison d’environnements de jeu insuffisants, des horaires chargés, et de la supervision des adultes. Relativement peu d’études ont été réalisées sur le vécu des enfants dans leurs espaces urbains quotidiens. Mes recherches doctorales s’inscrivent dans ce champ avec l’objectif de croiser l’analyse de différentes conceptions d’espaces urbains quotidiens, tels que les espaces résidentiels et ludiques pour cerner leur impact sur le comportement de jeu des enfants. J’explore les associations entre les potentialités spatiales spécifiques dans différentes configurations spatiales et les opportunités de jeux des enfants en pointant les thèmes essentiels qui créent des espaces amies des enfants et en tenant compte de leur diversité culturelle et de leurs origines.

 

  • Expériences « mythiques » à Naples. Récit d’une recherche-action au croisement entre pédagogie, théâtre, art et urbanisme

Francesca Riva (Pédagogue sociale, fondatrice de l’association 321)

Le « mito » (mythe) est un jeu de théâtre-quartier qui prend forme lors d’un parcours de recherche action autour d’une thématique en devenir. Proposée à des dizaines de groupes (scolaires ou non) , il culmine lors une journée de jeux urbains qui « envahissent » des lieux de la ville. Depuis 15 ans, l’association Compare de Naples est porteuse de cette proposition qui implique désormais des centaines de « chercheurs », adultes et enfants, de toute la péninsule et qui a initié un véritable « mouvement ». Celui-ci a trouvé son élan de départ dans une revisitation des expériences pédagogiques du passé, mais il prend corps à partir des enjeux présents et d’un regard qui vise une utopie pragmatique. L’aventure, l’invisible, le corps… sont certains des thèmes déclencheurs qui ont fait vibrer cette recherche-action dans le temps.

 

  • Le récit fictionnel comme modalité d’engagement de l’enfant dans la transformation de son cadre de vie – Le cas de la Fabrique du Lac à Casablanca

Hocine Aliouane-Shaw (Architecte-urbaniste, MCF ENSAP- Bordeaux, UMR 5319 Passages)

Retour d’expérience et réflexions autour d’un dispositif de médiation culturelle, réalisé par des étudiants en architecture, dans le cadre du workshop pédagogique « La Fabrique du Lac » dans le quartier El Firdaous à Casablanca. Ce workshop pluriannuel qui a pris place entre 2019 et 2022, s’est articulé à une démarche artistique et participative développée par le collectif Bruit du frigo pour susciter auprès des habitants, une dynamique collective de réappropriation des espaces publics emblématiques du quartier, notamment un lac fortement pollué. Dans ce cadre, des étudiants en architecture se sont engagés dans l’élaboration d’un récit fictionnel destiné à renouveler le regard des habitants sur le lac et ses abords et à créer les conditions d’un dialogue informel et constructif avec les enfants du quartier. Prenant la forme d’un conte ancré dans la géographie locale et imprégné par la poétique des lieux, cette « mythogenèse » a été nourrie par les multiples récits recueillis par les étudiants au fil de leurs interactions in situ avec les habitants. Les différentes étapes qui ont jalonné l’élaboration du conte ainsi que son interprétation lors d’une représentation publique dans le quartier, révèlent comment le recours à la mise en récit fictionnel a permis d’engager les enfants dans une dynamique collective de réflexion et d’actions autour de la régénération de leur cadre de vie.

17h45 : Synthèse de la journée

17 février, 9h30-17h

Chemins des possibles

Au cours d’une marche dans le 15ème arrondissement de Marseille, nous poursuivrons nos réflexions de la veille en mouvement. La place de l’enfant dans la ville et les possibilités du jeu à l’air libre posent la question des relations entre corps et espaces publics. Celles-ci peuvent être guidées par l’aménagement dédié, « l’aire de jeu », mais exister également de manières variées dans tout espace mobilisé dans des interactions avec les corps. La qualité et la diversité des interactions que l’habitant·e peut engager avec son espace de vie sont souvent rapportées à des besoins simplifiés et avant tout appréciés sous l’angle de leur compatibilité avec la narration sécuritaire (règles de sécurité, surveillance, fermeture des espaces, etc.). Nos espaces publics voient alors leurs capacités d’hospitalité se réduire et nos corps s’appauvrissent dans leurs capacités à se saisir de la richesse de ces espaces.

La relation physique à la ville (avec son patrimoine, ses paysages, son architecture, ses friches…) génère une appropriation nécessaire à la production du commun et à l’envie de prendre soin. En réduisant nos relations sentimentales et nos imaginaires, nous réduisons aussi nos capacités à protéger et à nous impliquer. Les pratiques, outils et réflexions que nous aimerions partager lors de cette marche interrogeront les manières de résister à cette pression de la ville sécurisée et aseptisée sur nos corps enfantins ou infantilisés. La question du jeu pourra alors être partagée à partir de nos diverses pratiques éducatives et pédagogiques mais aussi comme la possibilité d’un rapport plus ouvert, plus complexe, plus aventureux, plus enthousiaste au monde, même dans ses ruines.

Maximum 30 personnes. Le point de départ de la marche sera communiqué aux inscrit·e·s.

Inscription obligatoire sur : https://www.hoteldunord.coop/balades/chemin-des-possibles/

Journée coordonnée par Julie De Muer (coopérative Hôtel du Nord) avec les associations Trait d’Union, 3,2,1, Momkin, Accueils et rencontres, Château en Santé et l’école Bric à Brac.