Première séance du séminaire De l’écrit à l’écran. Objets numériques et matérialité des sources écrites
Séminaire interlaboratoires MMSH. Organisation : Élodie Attia (CNRS, TDMAM), Emmanuelle Chapron (AMU, Telemme), Sébastien Douchet (AMU, CIELAM), Anne Mailloux (AMU, LA3M).
Invité : Pierre Chastang (Université Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines, DYPAC)
Depuis une vingtaine d’années, les technologies numériques sont au cœur de la pratique quotidienne des chercheurs. Bien plus qu’un outil de visualisation, elles offrent des possibilités inédites pour la recherche. Ce saut numérique s’est accompagné d’un mouvement de réflexion épistémologique des communautés savantes sur leurs objets, leurs outils et leurs méthodes de travail, encourageant les travaux sur les supports de l’écrit, sur l’analyse matérielle des codices et la collation des exemplaires, sur les collections, archives et bibliothèques, sur la vie matérielle des artefacts et les strates d’interprétation ajoutées par les manipulations diverses dont ils font l’objet. Pour autant, l’accès à la matérialité des objets textuels par le numérique n’est pas la même que celle qui s’offre dans le face-à-face réel du chercheur avec l’objet-texte. Il y a ainsi, dans le monde de la recherche, un hiatus fort entre la séduction qu’exercent les nouveaux outils numériques et la conscience aiguë de la déperdition phénoménologique et herméneutique causée par la dématérialisation et la mise à distance d’objets d’études de plus en plus coupés du corps, outil aussi indispensable que l’esprit à une saisie correcte des objets. Il ne s’agit pas d’opposer « goût de l’archive » et pratiques numériques, qui n’ont rien d’incompatible et peuvent former un cercle vertueux de la recherche, mais de réfléchir, dans une triple perspective épistémologique, méthodologique et pratique, à la manière dont on peut appréhender, décrire et analyser la matérialité des objets à partir, malgré ou à l’aide de leurs substituts numériques.