Les sources historiques fourmillent d’indications sonores. On y découvre les voix du collectif, les différents textures sonores ainsi que les mécanismes pensés pour installer, optimiser voire forcer l’écoute de certains individus. Les voix de Dieu, du pouvoir, du collectif, de la nature ou de la guerre résonnent dans les sources parce qu’elles ont été entendues et parce que l’auteur veut les faire entendre au lecteur. Cependant, un son n’existe que par l’expérience auditive : l’écoute implique un engagement du corps pour entendre, comprendre, analyser et donner sens aux sonorités. Restituer seulement un son ne permet pas de savoir comment celui-ci était perçu, esthétisé, compris ou ressenti : la recherche d’une société sonore impose donc de retrouver son régime d’écoute particulier. Par l’expérience du corps, l’oralité (ce qui est dit) peut alors devenir auralité (ce qui est entendu). Si l’oralité est performance, l’auralité est expérience ; cette expérience modulant le récit historique, la création artistique ou encore le récit de l’Autre.
De fait, l’écoute apparaît à la fois comme un objet historique, un moyen d’écriture du social et un outil pour l’historien. Il convient de réfléchir aux méthodologies possibles pour retrouver, reconstruire et exploiter cette écoute historique tout en observant ce qu’elle peut apporter à la recherche historique. Dans cette optique, l’observation des méthodes employées par les spécialistes du sonore « audible » peut être riche en enseignements. Par ces réflexions croisées, on espère ouvrir un laboratoire expérimental des méthodologies possibles, qui servira aux chercheurs et étudiants désireux d’intégrer et/ou d’exploiter l’auralité dans leur recherche.