Réalisée sur cinq continents, l’analyse comparative de 13 études d’aires marines protégées (Beuret et Cadoret, 2024) montre l’existence d’un modèle générique, qui relève d’une pensée eurocentrée à visée universaliste et expansionniste (accumuler des surfaces classées), voire civilisatrice (éduquer à la nature) qui rappelle l’expansion coloniale. Entre vaines promesses et vrais enjeux, les modalités et vecteurs de cette forme de « colonialisme bleu » seront présentés en articulation avec le colonialisme vert des parcs naturels africains créés pendant la colonisation, au détriment de milliers de paysans qui continuent d’être expulsés, violentés, criminalisés. Depuis les indépendances, l’Unesco, l’UICN, le WWF et les dirigeants africains « protègent » cette nature, vierge, sauvage (Blanc, 2022). Pour comprendre cette continuité entre le temps des colonies et le temps présent, nous plongerons au cœur de l’une des plus grandes missions écologiques du 20e siècle : le « Projet Spécial Africain » lancé par l’UICN en 1961 en Tanzanie (Arusha), qui réunit des grands experts internationaux, des colons reconvertis en conseillers, des dirigeants africains et des paysans.
Colonialisme bleu et vert : continuité et nouvelles formes
