Les morts sont encombrants. Ils prennent de la place, ils nous parlent, ils réclament des soins, ils veulent continuer à vivre à travers nous, ils veulent qu’on termine ce qu’ils n’ont pas fini, ils nous parlent de justice quand on voudrait les ranger au rayon des souvenirs. C’est parce que les morts sont remuants que les curés, les hygiénistes, et les thérapeutes s’évertuent depuis longtemps à les réduire au silence. Les historiens ne sont probablement pas en reste lorsqu’ils s’appliquent à ranger et à hiérarchiser dans l’ordre du discours la mémoire vive de nos défunts. Que serait une vie où on resterait en dialogue avec les morts? Que serait une opération historiographique qui prendrait au sérieux les fantômes ?