L’or dans les intérieurs parisiens (1689 – 1749) : histoires, techniques, imaginaires

Eva Robert

L’or dans les intérieurs parisiens (1689 – 1749) : histoires, techniques, imaginaires

Thèse de Doctorat en Histoire de l’Art

Sous la direction de Aziza Gril-Mariotte

Contrat doctoral INHA

Mots clés : provenance, matérialité, décor, sociabilité, ensemble

Résumé :

Ce projet de thèse interroge les conditions de développement, de perception et de diffusion de la dorure dans les intérieurs parisiens entre 1689 et 1749. Cette période s’ouvre avec la fonte du mobilier d’argent massif de Louis XIV et voit émerger un nouveau langage décoratif associant éclat visuel et économie de moyens : le bois sculpté et doré s’impose comme un substitut stratégique aux métaux précieux.
La dorure ne cesse alors de se diversifier : valeur, encollage et finition de la feuille se multiplient avant qu’elle ne soit marginalisée au tournant néoclassique. Ce phénomène stylistique s’inscrit dans une dynamique plus large, où la disponibilité de la matière, l’innovation technique, l’organisation des métiers et l’évolution des goûts convergent. L’or utilisé pour ces décors provient en partie de circuits partiellement documentés par les archives de l’Hôtel de la Monnaie : principalement de l’or hispano-américain (Espagne et Pérou) et de la refonte de vaisselle précieuse. L’étude de sa circulation soulève des enjeux esthétiques, sociaux, techniques et géopolitiques.
Le projet s’appuie sur un corpus d’objets en bois doré (consoles, cadres, sièges, lambris) ayant fait l’objet de restauration et d’analyses physico-chimiques, notamment par le Centre de Restauration des Musées de France (C2RMF). Ce corpus est confronté à une large variété de sources : traités techniques, archives de la Cour des Monnaies, fonds de la Maison du Roi, Minutier central des notaires de Paris, ainsi qu’aux discours contemporains (traités d’architecture, journaux, littérature, presse, etc.). Il s’agira d’interroger non seulement les circuits d’approvisionnement, mais aussi la fabrication de la feuille d’or, sa pose, ses variations techniques (alliages, finitions, polychromies) et la valeur des objets selon leur dorure.
La recherche s’inscrit au croisement de plusieurs champs : histoire de l’art, histoire technique, histoire économique, culture matérielle et études globales. En analysant la dorure comme une interface entre savoir-faire locaux et circulations transatlantiques de la matière, elle entend dépasser les approches nationales et formalistes. Elle se place aussi dans la lignée des études qui questionnent les hiérarchies entre arts dits majeurs et mineurs, en valorisant les artisans souvent méconnus que sont les doreurs, les batteurs d’or ou les ornemanistes.
Sur le plan historiographique, la dorure a été souvent abordée à la marge, généralement dans le cadre de la peinture ou du cadre, rarement comme sujet central. Peu d’études interrogent la dimension technique et matérielle de l’or comme facteur stylistique, ni ne considèrent les implications sociales et culturelles de sa présence dans les intérieurs. Or, comme d’autres matériaux exotiques (laque, acajou, indigo, perle, cochenille), l’or porte en lui des imaginaires liés à l’Empire, au luxe, à la moralité et à l’ostentation.
Adoptant une démarche d’histoire sociale de l’art, la thèse ambitionne ainsi d’explorer les logiques de valorisation, de représentation et de réception de la dorure dans le quotidien visuel de l’élite. Elle questionne les usages, les lieux et les types d’objets dorés, tout en déconstruisant l’association systématique entre dorure et luxe. En parallèle, une attention particulière sera portée aux pratiques d’imitation (fausse dorure), révélatrices d’un goût plus diffus que réellement ostentatoire.

Keywords : Provenance, Materiality, Decor, Sociability, Set

Abstract :

Gold within Parisian interiors (1689–1749): histories, techniques, imaginaries