La Syrie, objet et terrain cartographique « entre deux » (1860-1933)

Séminaire

Date(s) : du 9 octobre 2023 9 h 30 au 9 octobre 2023 12 h 00

Lieu : salle Georges Duby, MMSH, Aix en Provence

Organisateur(s) / trice(s) à TELEMMe :

Groupe(s) organisateur(s) :


PROGRAMME

Présentation de recherches de membres du groupe 

  • La Syrie, objet et terrain cartographique « entre deux » (1860-1933).

Louis Le Douarin, docteur en histoire et civilisation, ATER en géographie (AMU, ALLSH), UMR TELEMMe.

Le processus qui voit certaines parties de la côte orientale de la Méditerranée passer de provinces de l’empire ottoman à États intégrés à l’empire colonial français sous le nouveau régime du mandat, s’accompagne d’un effort théorique d’identification, de définition et de délimitation des espaces concernés. La « Syrie » émerge alors comme un espace de transition, un « entre-deux », à la fois entre l’Europe et l’Orient, entre l’Afrique et l’Anatolie. Dans la lignée des travaux qui ont permis de considérer « l’invention de la Méditerranée » comme ressort impérial, cette conceptualisation de la Syrie peut être pensée au prisme d’une géographie impériale motivant l’expansion française dans la région. L’existence d’un entre-deux implique alors le rattachement des « deux » (rives) en effaçant progressivement l’« entre ». Ce rattachement théorique s’appuie sur – et participe à donner forme – un processus plus large de rattachement matériel et technique, par la construction des grands réseaux (de télécommunications, de transports, géodésiques) transcontinentaux qui raccordent la Syrie à l’Europe. La naturalisation du rattachement passe aussi par la cartographie, qui donne à voir un empire français où la Syrie devient une des extrémités d’une toile française en Méditerranée. Avec la mise en place du mandat, les cartographes militaires français pénètrent en Syrie. La région est ainsi effectivement « rattachée » aux réseaux, géodésiques et professionnels, déployés depuis Marseille ou Alger. En introduisant plus globalement mon travail de thèse, soutenu en 2022, cette intervention propose ainsi de présenter comment l’objet géographique Syrie est progressivement rapproché et incorporé à un espace méditerranéen français, jusqu’à son intégration à une « machine cartographique » où cartes et cartographes circulent entre les deux rives de la Méditerranée. Cette étude de cas participe ainsi à interroger l’ancrage impérial colonial de l’entre-deux, pensé comme « imaginaire de connectivité » (LOBO-GUERRERO,2019).

  • L’échelle urbaine de l’accueil des personnes migrantes, entre configurations politico-institutionnelles, réseaux de solidarité et fractures urbaines : Marseille et Bristol.

Marie-Aude Salomon, doctorante contractuelle en géographie (3eme année) , AMU-TELEMMe, Maison Française d’Oxford.

         En partant de l’idée que les villes pourraient être des sites et des échelons stratégiques pour des évolutions moins restrictives de la gestion des migrations et de l’accueil, dans un contexte dans lequel leur rôle émerge dans la gouvernance internationale des migrations, ce travail interroge les processus de structuration d’une échelle urbaine de l’accueil dans deux grandes villes européennes : Marseille et Bristol. Ces deux métropoles, attractives, multiculturelles, mais aussi fragmentées socialement et spatialement, bénéficient de tissus associatifs et de collectifs actifs et structurés en matière d’accueil, tandis que récemment, les équipes municipales ont revendiqué et positionné celles-ci comme « accueillantes », en développant des dispositifs et des discours afférents. Comment ces processus de structuration d’une échelle urbaine d’accueil, à la croisée des réseaux de solidarités issus de la société civile et des municipalités, sont-ils travaillés, contraints et ou suscités par des configurations politico-institutionnelles et juridiques spécifiques ? Par la confrontation des diverses conceptions et pratiques d’accueil portées par ces différents acteurs ? Par les enjeux territoriaux liés à la fabrique urbaine et aux stratifications socio-spatiales des villes, ainsi que par les discours qui entourent les héritages locaux ayant trait aux migrations ? Cette communication présentera les hypothèses de recherche et les premières analyses des matériaux tirés d’une enquête qualitative en cours, menée depuis fin 2021.